Quand les élèves font exposition : retour sur cinq projets Œuvres en Résidence

Quand les élèves font exposition : retour sur cinq projets Œuvres en Résidence

Le programme Œuvre en Résidence 2024-25

En s’appuyant sur les propos de Marcel Duchamp, « c’est le regardeur qui fait le tableau », les projets Œuvres en Résidence (OER) sont des invitations faites aux jeunes de jouir des œuvres pour ce que l’on y voit, ce que l’on peut en faire, ce que l’on veut en dire. Ce programme, initié par Citoyenneté Jeunesse en partenariat avec la Collection départementale d’art contemporain de la Seine-Saint-Denis, fait dialoguer jeunes, artistes et œuvres au cœur des établissements scolaires. L’édition 2024-2025 a une nouvelle fois mis en lumière le pouvoir de la création pour favoriser les échanges, renforcer la confiance en soi et révéler des talents insoupçonnés.

La série de projets « Œuvres en résidence » (OER) est conçue comme un partage des regards, entre des collégien·ne·s et des œuvres de la collection départementale d’art contemporain. Cette mise en dialogue se fait par l’entremise :

  • d’un·e artiste qui présélectionne dans la collection des œuvres qui l’inspirent pour les partager avec une classe et engager les jeunes dans un processus de création autour des œuvres ;
  • ou d’un·e curateur·rice qui amène les élèves à concevoir leur propre exposition
En 2024/25 cinq aventures artistiques ont eu lieu en Seine-Saint-Denis. Nous vous proposons d’entrer dans la fabrique de ces regards pluriels autour des arts visuels.

 « Les 4 parts d’amour» Collège George Politzer – Bagnolet

du 6 au 21 mars 2025 – Le Château de l’Etang – Bagnolet

« Le titre de l’exposition fait référence au travail de recherche curatoriale. En effet, prenant comme point de départ le genre cinématographique de la comédie romantique, les élèves ont visionné plusieurs films, aussi cultes que plus récents, afin de décortiquer leurs schémas narratifs. La rencontre, la relation, la déception amoureuse et enfin le happy end constituent les 4 étapes classiques étudiées pendant les séances. Comprendre la segmentation du récit a aidé les élèves à sélectionner des œuvres dans le but de raconter une histoire d’amour. Totalement imaginée à partir des photographies, des peintures, des dessins visionnés au collège, puis précisée à l’aide d’ateliers d’écriture avec l’auteur Antonin Crenn, celle-ci raconte l’amour naissant d’un jeune couple, entre balade romantique à la plage et rendez-vous manqué au restaurant. En découvrant les œuvres de la collection départementale de la Seine-Saint-Denis par le prisme de la fiction (ici en l’occurrence, la fiction amoureuse), les élèves ont réussi à s’affranchir des a prioris voire de l’étrangeté ressentis parfois face à l’art contemporain. Ainsi, la série photographique 45° de Brice Bourdet a été interprété comme un moment entre le comique et le dramatique, représentant l’instant des retrouvailles. Ou encore, la série Intrigues végétales de Martine Aballéa a servi à bien distinguer les chapitres de l’exposition tout en évoquant le romantisme du récit. Également, la série de dessins d’Anne Rochette 13 feuilles du carnet rouge a permis de symboliser, par leurs abstractions, les différentes émotions éprouvées par les deux protagonistes tout en sous-entendant, par leurs plasticités, l’intimité de ces sentiments. Le parcours culturel, comprenant des spectacles et des visites d’expositions, a aidé les élèves à mieux appréhender la thématique comme lors de l’atelier sur le discours amoureux à la cinémathèque de Paris ; mais surtout à mieux comprendre la méthode curatoriale de « l’exposition-fiction », notamment en visitant l’exposition Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse au MAC VAL, qui consiste à penser un deuxième niveau de lecture des œuvres pour plonger les visiteur·euses dans une fiction. »

Camille Martin

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Les acteur·rice·s du projet

Les élèves de la classe de 5e 2 SEGPA du collège George Politzer de Bagnolet

Curatrice : Camille Martin, curatrice

Chargé de projets : Céline Gatel

Enseignant·e·s : Sylvain Angiboust, Nargesse Bibimoune, Lara Martin-Soors, Ulrich Konan et Bodjomo Mfulu

« TMTC – Toi-même tu sais. » – Collège Elsa Triolet – Saint-Denis

du 15 mai au 6 juin 2025 – Le 6B – Saint-Denis

C’est une phrase du quotidien, une expression furtive que l’on se chuchote entre ami·es, entre complices, pour dire ce que l’on ne peut pas ou que l’on ne veut pas formuler tout haut. TMTC, c’est une manière d’évoquer l’intime sans l’exposer, de parler d’un vécu en s’abritant derrière un clin d’œil partagé. Une exposition sur l’amour, ses formes, ses contradictions, ses blessures, ses métamorphoses. Une exposition qui prend appui sur des œuvres issues de la collection départementale de la Seine-Saint- Denis, dans le cadre du dispositif La culture et l’art au collège. TMTC, c’est ce que l’on ressent sans toujours le dire. Ce titre évoque l’implicite, les sentiments partagés sans être nommés. À travers ce projet, les élèves confrontent leurs représentations à celles des artistes, questionnent les normes, racontent ce qui échappe aux discours. L’exposition devient un espace de dialogue, de création collective et d’émancipation, à hauteur d’adolescents. Entre poésie et engagement, une tentative de dire l’amour au présent. Séduction, alchimie, intimité, stéréotypes de genre, vivre ensemble, altérité : les œuvres choisies ouvrent le débat. L’amour y est désir, fusion, lutte, jeu de masques, lien aux autres et à soi. En tant qu’artiste plasticien engagé dans une pratique collaborative et transversale, j’ai proposé aux élèves de partir d’œuvres existantes pour initier une réflexion personnelle et collective. Dans certaines œuvres sélectionnées, comme l’œuvre « tente-refuge » de Lucie Orta, l’intime devient politique, en permettant d’aborder la question du regard : comment est-on perçu quand on sort des normes, et comment peut-on se réapproprier son image, son histoire, ses désirs comme ceux de Sarah dans l’œuvre de Juliette Saint-Sardos ? Il ne s’agit pas d’atteindre une vérité unique sur l’amour, mais de révéler une pluralité de récits, de regards, de sensibilités. Ce que l’on voit dans l’exposition, ce sont des fragments d’émotions, des interrogations sincères, des tentatives de dire l’indicible. On y devine l’amour sous toutes ses formes : comme lien, comme tension, comme projection, comme utopie d’un monde en mutation, perceptible chez Vanessa Fanuele ou encore chez Hélène Delprat. TMTC est finalement une façon de dire que les choses importantes ne s’expliquent pas toujours, mais qu’elles se vivent, se ressentent et se partagent.

Michel Jocaille

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Les acteur·rice·s du projet

Les élèves de la classe d’UPEAA  du collège Elsa Triolet de Saint-Denis

Artiste – plasticien : Michel Jocaille

Chargée de projets : Nina Villaume

Enseignant.e.s: Mme Médina

« L’infinité de milieux » – Collège Jean Jaurès – Montfermeil

du 25 mars au 4 avril 2025 – Médiathèque du petit Prince – Montfermeil

« Tout a commencé par une image. Celle-ci figurait un lieu étrangement commun. Cette photographie de Marie Gandois pouvait renvoyer avec cette lumière artificielle qui ménage en même temps une pénombre, à un vestiaire, un gymnase, un hôpital, une école. Un espace liminal, un espace d’entre-deux que les collégiens de 5e6 du Collège Jean Jaurès de Montfermeil ont pressenti comme à la fois familier et légèrement inquiétant. Au travers d’ateliers d’écriture à partir d’œuvres de la collection départementale de Seine-Saint-Denis, ils ont peu à peu imaginé un parcours, une succession de niveaux entre lesquels ils pouvaient circuler, comme dans un jeu vidéo. Penser la circulation entre les œuvres, avec les émotions que cela implique, a été l’objet de nombreuses discussions. Quel est le point de bascule vers le fantastique ? Les œuvres choisies avec les différents points de vue et techniques qu’elles supposent, amenaient des passages à négocier lors de sessions d’édition collective où chacun et chacune pouvait amener sa phrase mais aussi faire des propositions pour donner plus de cohérence ou de mystère à l’ensemble. C’est la notion de milieu qui s’impose au moment de choisir un titre en commun. Alors que tous et toutes relèvent le caractère ambigu, presque duel, des œuvres sélectionnées en listant des couples d’opposition, le terme de milieu se dégage comme commun. C’est à la fois l’idée de l’entre-deux et celle d’un environnement ; un milieu dans lequel il serait possible d’évoluer comme le personnage d’une fiction. Un espace complexe, dense, ramifié qui est peut-être interconnecté. Le terme permet de dépasser le clivage traditionnel entre centre et périphérie et d’imaginer des circulations. A partir de ce terme d’autres apparaissent comme ceux d’infini et de vide. La notion d’infini ne va pas sans crainte. Instinctivement lescollégiens et collégiennes l’ont ressenti, choisissant sciemment d’explorer cette voie, de se mettre en danger, de proposer une exposition inquiétante, reflet d’une actualité anxiogène, d’un monde devenu oppressant depuis les confinements. La figure humaine n’apparaît que lointainement dans les œuvres laissant à première vue un vide, proposant un décadrage avec le quotidien. Percevoir autrement le vide a été l’un des enjeux de ce projet avec l’ambition de voir aussi ce qu’il permet, ce qu’il autorise notamment en termes de projection pour un observateur ou un joueur. »

Henri Guette

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Les acteur·rice·s du projet

Les élèves de la classe de 5e6 du collège Jean Jaurès de Montfermeil

Curateur et auteur : Henri Guette

Chargé de projets :  Florence Chouaieb

Enseignant·e·s : Mme Benot Demigny, Mme Heron et Mme Saidi

«  Notre histoire commence ici » Collège Fabien – Saint-Denis

du 3 au 14 mars 2025 – Centre Culturel Salvador Allende de Neuilly-Sur-Marne

Le projet mené par Saïda Essafiry s’est construit à partir d’une réflexion sur les mémoires post-coloniales et les savoirs longtemps marginalisés dans les récits dominants de l’art. En prenant appui sur une sélection d’œuvres de la Collection départementale d’art contemporain, les élèves ont été invités à interroger ce qui fait mémoire, héritage et culture, et à questionner les cadres à partir desquels l’art est reconnu, transmis ou invisibilisé.

À travers des parcours culturels mêlant expositions, arts visuels et arts vivants, les élèves ont développé un regard à la fois critique et sensible sur les œuvres rencontrées. L’observation attentive, le débat et l’échange ont constitué des outils essentiels pour dépasser les premières impressions et engager une lecture située des œuvres, en lien avec leurs propres expériences et histoires. Le travail s’est ainsi attaché à décloisonner le regard artistique, en faisant dialoguer références institutionnelles et récits intimes.

Certaines œuvres ont joué un rôle structurant dans cette exploration, notamment Le Roman algérien de Katia Kaméli, dont le montage d’archives et d’images a permis d’aborder la fabrique des mémoires collectives, ou encore l’installation photographique de Claire Zaniolo, qui évoque la transmission familiale à travers les gestes du quotidien. Ces références ont nourri une réflexion autour de la nature comme premier paysage transformé, espace de résistance et de projection mémorielle.

Les élèves ont ensuite traduit ces questionnements dans leurs propres productions, à travers un travail photographique et plastique mené dans les espaces naturels proches du collège. Ces images ont progressivement donné naissance à une narration collective, composée de peintures, de collages et d’objets conçus comme des artefacts hybrides, entre réalité et fiction. La scénographie finale a été pensée comme un espace de médiation, mettant en résonance les œuvres de la collection et les créations des élèves, et invitant les visiteur·euses à une lecture plurielle des mémoires contemporaines.

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Les acteur·rice·s du projet :

les élèves de 4e du collège Georges Braque de Neuilly-Sur-Marne

Artiste, plasticienne : Saïda Essafiry

Chargée de projets : Céline Gatel

Enseignant·e·s : Aurélie Ubéda (Histoire-géo), Claire Di Folco (Français)

« Battle de danse hip-hop à la rencontre de l’art contemporain Collège Jean Jaurès – Villepinte

du du 25 novembre au 20 décembre – Salle polyvalente du collège Jean-Jaurès

Les acteur·rice·s du projet
Les élèves de la classe D’ULIS  du collège Jean Jaurès
Artiste – Danseur : Nicolas Faubert
Chargée de projets : Florence Chouaieb
Enseignant.e.s: Emilie Gilles

 
 Le programme Œuvres en Résidence se déroule dans le cadre des parcours Culture et art au collège portés par le Département de la Seine-Saint-Denis et l'association Citoyenneté Jeunesse.