Instantanés de rentrée #2 : Exposition « Provoke » : une confrontation des jeunes avec la photographie contestataire et performative du Japon des années 1960.

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Crédits photos : © tous droits réservés

La photographie, l’acte de photographier, est aujourd’hui devenu pour les jeunes adolescents une pratique quotidienne, sinon aisée. Les technologies actuelles leur permettent désormais d’être à la fois producteur mais également diffuseurs d’images, parfois à vaste échelle.

Ce contexte a constitué un des points de départ pour inviter les jeunes de la classe de 3ème 2 du collège Jacqueline de Romilly (Le Blanc-Mesnil) à questionner leur pratique et leur rapport à la photographie. Avec Michel Slomka et Xavier de Torres* ils interrogeront, à travers la production de reportages photo, la fabrique des images dédiée à l’information dans le cadre du projet sur le photojournalisme qu’il mèneront cette année**.

Pour introduire ce travail, ces jeunes ont visité l’exposition « Provoke*** » proposée par Le Bal, qui revient sur l’émergence de courants photographiques contestataires et de performance dans la société Japonaise – en mutation – des années 1960 à 1970.

Répartie sur deux salles, l’exposition « Provoke. Entre contestation et performance – La photographie au Japon, 1960-1975 », a été une expérience très riche en enseignements.

Les élèves se sont confrontés à un chapitre relativement méconnu de l’histoire du Japon : une société en reconstruction accélérée mais profondément divisé face aux décisions stratégiques prises. Société qui, contrairement aux idées reçues et pour partie, s’est révoltée et a fait naître l’un des courants photographiques alternatifs les plus prolifiques et radicaux du XXème siècle.

Au cours de cette visite très riche en échanges, les jeunes se sont penchés sur ce que les photographies, remises dans leur contexte historique, politique, culturel et social, avaient à dire : sollicités collectivement, les élèves ont été invités à décrire chaque élément, cerner le point de vue des photographes et le message sous-tendu par chaque image, prise isolément, et replacée parfois dans un fil narratif plus large. A partir de la série sur la lutte de Sanrizuka (contre la construction du futur aéroport de Tokyo-Narita), les jeunes ont alors découvert la photographie comme arme pour dénoncer et pour témoigner. Mais aussi pour expérimenter dans des conditions, souvent extrêmes, de prises de vue.

Dans la 2ème salle de l’exposition, les jeunes ont pu mesurer toute la radicalité de la revue « Provoke » publiée en 1968-69 en seulement trois numéros à l’initiative d’un collectif composé de photographes, de penseurs et de poètes. Cette aventure, bien qu’éphémère, a placé sous les projecteurs une scène artistique en ébullition, proposant une approche de la photographie non-conventionnelle et une pratique de l’image faisant la part belle aux supports imprimés.

Le nouveau langage visuel « rough, grainy and blurred » (brut, flou et granuleux) ainsi développé et revendiqué marque le point de départ de nouvelles manières de « représenter le réel » (« shashin » qui signifie aussi « photographie », en japonais). L’utilisation d’effets de flou, le recours aux procédés répétitifs, du hors champ, de prises de vue à la volée (cf. Daido Moriyama) mais également de dispositifs de performance dans l’espace public ont, dans un premier temps, déstabilisé les jeunes au regard de l’idée première qu’ils se faisaient de la pratique photographique. Progressivement, les notions d’expérience, de narration et de regard (du photographe) comme prisme pour capter et restituer le un certain rapport au réel ont cheminé chez les jeunes.

A travers cette exposition inédite, les jeunes sont parvenus collectivement à questionner l’image photographique et ses possibilités du point de vue formel comme du point de vue de la représentation.
Un moment qui a résonné comme une manière de « chambouler » l’approche des images avant même d’avoir commencé à en produire.

A suivre…

Remerciements particuliers : service relations publics et médiation du Bal (http://www.le-bal.fr/le-projet)

* photographes, membres de la plateforme Hans Lucas (http://hanslucas.com/hanslucas)

** Ce projet est conçu et mis en œuvre, par Citoyenneté Jeunesse, dans le cadre du dispositif « La Culture et l’Art au collège » initié par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

*** Exposition à voir jusqu’au 11 décembre 2016 au Bal, 6 impasse de la Défense, 75018 Paris.
http://www.le-bal.fr/2016/04/provoke

 

Projet « The Big Picture »
Classe : 3ème 2
Collège : Jacqueline de Romilly, Le Blanc-Mesnil
Artistes : Michel Slomka & Xavier De Torres, photojournalistes.
Équipe pédagogique : Martine Strugeon (professeure de lettres) et Anne Mignot (professeure documentaliste)
Chargé de projet : Clément Tramoy