Au Forum des Images : des images documentaires qui libèrent les points de vue

photo light-138Pour beaucoup de jeunes, les images de nature documentaire demeurent encore des objets non-identifiés.
C’est bel et bien pour partir à la découverte de ce type d’images – et être accompagnés dans leur perception et dans la formation de leur point de vue – que les élèves de 3ème 4 du collège Jean Renoir (Bondy), ont participé à l’atelier « Le documentaire, question de points de vue ? », au Forum des images.

Organisé dans le cadre d’un projet de court-métrage autour de la téléréalité du futur avec la réalisatrice Alice Voisin, cette visite du Forum des images a permis non seulement de redéfinir des notions importantes (réel / réalité / fiction), mais surtout apprendre à regarder, ressentir, infléchir son regard et partager les émotions ressenties face aux images.

Accompagnés durant l’atelier par Suzanne de Lacotte3, les élèves ont déchiffré la notion de documentaire et sa place dans les champs artistique et technique. Les objectifs de l’atelier étaient nombreux : bousculer les collégiens dans leur perception des images documentaires et mettre en lumière l’importance du point de vue dans ces images.
Installés chacun à des postes, les élèves ont été invités à visionner, par groupes, plusieurs extraits de films issus des collections du Forum des images (documentaires de création, à portée historique, actualités et journaux télévisés4).

A travers cet atelier, les jeunes ont pu questionner la notion de point de vue et, au delà, interroger leur propre subjectivité de futurs réalisateurs. À travers le visionnage et l’analyse – plan par plan – d’extraits de films comme « Le bassin des Tuileries» ou « Du Soleil en hiver », les élèves ont davantage appréhendé les enjeux liés aux images documentaires. A la question d’un élève « Quel est le sens de ce film ? Il ne raconte rien ! », Suzanne de Lacotte a répondu que raconter une histoire, transmettre un savoir ne sont pas nécessairement des buts recherchés dans une écriture documentaire. Souvent, il s’agit simplement de « montrer » une partie du réel et de tenter de transmettre des émotions par un regard nouveau.
En visionnant un extrait de reportage JT sur la mobilisation étudiante contre la loi Devaquet, les élèves ont appris à saisir la place subtile du point de vue journalistique. La séquence analysée s’ouvre sur des informations livrées par le présentateur JT face caméra (et donc présumées vraies). Puis, la voix off du reporter relate, en apparence objectivement, la contestation étudiante mais commente en réalité les images d’un point de vue donné et situé : celui des étudiants parisiens.
L’existence et l’identification du point de vue du « faiseur d’image » a permis aux élèves de prendre conscience que les images, prises dans leur ensemble, sont par nature subjectives. Elles sont produites, façonnées par le point de vue de leurs auteurs. Les lecteurs, les spectateurs de ces images doivent en être conscients et exercer, vis-à-vis d’elles, leur esprit critique. Une critique qui ne serait pas à envisager comme un moyen de dénigrer, mais plutôt de rencontrer la pensée de l’autre : une expérience urgente à engager aujourd’hui à l’échelle de la société. Aller à la rencontre d’un point de vue différent c’est, par ailleurs, accepter l’existence même d’un point de vue différent, ce qui constitue une expérience à la fois enrichissante et nécessaire à une échelle individuelle et collective.

Les questions furent nombreuses au Forum des images. Les élèves s’interrogèrent légitimement sur l’intérêt (au sens de finalité) du réalisateur Samuel Collardey d’avoir filmé des fermiers dans le Jura pour en produire un court-métrage documentaire5.
L’occasion de revenir ensemble sur les raisons – propre à chaque réalisateur – des choix des sujets opérés et sur des questions très actuelles : l’exposition/surexposition de la vie personnelle, la célébrité et la nécessité d’« être vu » et de construire une existence par l’image.
A ce propos, la téléréalité filme-t-elle le réel ? Non. Les jeunes ne s’y trompent pas : elle donne plutôt à voir une certaine réalité. A la différence du documentaire, qui vise à montrer le réel tel qu’on ne l’a jamais vu, la télé « réalité » est un format construit, fabriqué impliquant des acteurs et reposant sur des scripts précis. L’exposition d’une partie de la vie privée des candidats s’effectuant à des fins strictement commerciales (audience/parts de marché).

Les images documentaires visionnées ont eu l’intérêt d’installer chez les élèves un rapport aux images différent. L’échange riche avec l’intervenante a, semble-t-il, trouvé un écho important dans leur esprit, au regard du travail entamé depuis le début de l’année sur le rôle et la place de la téléréalité6.

Remerciements particuliers : Suzanne de Lacotte et le service des actions éducatives du Forum des Images.

1 Ce projet est conçu et mis en œuvre, par Citoyenneté Jeunesse, dans le cadre du dispositif « La Culture et l’Art au collège » initié par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
2 réalisatrice (https://vimeo.com/alicevoisin)
3 intervenante en éducation à l’image et co-fondatrice de l’association Les Sœurs Lumière
4 « Le bassin des Tuileries » (1896) http://collections.forumdesimages.fr/CogniTellUI/faces/details.xhtml?id=VDP13386
« Mouvements étudiants à Paris dans les journaux télévisés de TF1 » (nov 1986) ; « Du soleil en hiver (réal. Samuel Collardey, 2005) ; « La Zone : au pays des chiffonniers » (réal. Georges Lacombe, 1928) ; « Le mile » (réal. Jean Lods, 1932) ; « L’orangère » (issus de « Portraits », réal. Alain Cavalier, 1987).
5 « Du soleil en hiver » (réal. Samuel Collardey, 2005)
6 dans le cadre, en particulier, de l’atelier Genrimages proposé par la réalisatrice Laetitia Puertas (Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir/Paris)


Projet « La Téléréalité du futur »
Collège Jean Renoir de Bondy, classe de 3ème 4
Artistes : Alice Voisin, réalisatrice
Équipe pédagogique : Juliette Lefevre (professeure de lettres) et Sarra Tlili (professeur d’EPS).
Chargé de projet : Clément Tramoy